samedi 2 avril 2011

Parler des femmes

Je suis tiraillée entre deux sentiments contradictoires.
D'un côté, la satisfaction. Quel plaisir : on parle de nous, les femmes ! C'est toujours bon à prendre… Comme dit l'adage : "peu importe qu'on parle de moi en bien ou en mal – pourvu qu'on en parle i"
Mais d'un autre côté, c'est la perplexité  qui vient mettre un bémol à ce plaisir. Pourquoi faut-il consacrer une attention particulière à une espèce vivante qui fait plus de la moitié de l'humanité ? Rien de très exceptionnel, donc… Que l'on consacre une journée aux épicéas menacés par les pluies acides, une nuit aux chauvesouris ou un week-end à la migration des grenouilles, ça peut se comprendre. Mais une journée de la femme, une émission sur les femmes ?.. Pourquoi n'y a-t-il pas la journée de l'homme ? Pourquoi ne se préoccupe-t-on pas des problèmes spécifiques aux mâles ?

La réponse, évidemment, est dans la question. Etre homme est une évidence – cautionnée par la grammaire, s'il-vous-plaît, puisqu'en Français, à la différence d'autres langues, le mot "homme" renvoie inclut non seulement le genre masculin, mais encore tout être humain, de quelque genre qu'il soit. "Lhomme est un roseau pensant", écrit Pascal. "Tous les hommes sont naissent libres et égaux en droit et en dignité", proclame la Déclaration Universelle des Droits… de l'Homme. Pour changer un peu, moi je proposais, il y a quelques années, une version féminisée de ladite déclaration : "Toutes les femmes naissent libres égales en droit et en dignité" – déclaration universelle des droits de la femme. Ca a fait bondir quelques messieurs, offusqués de se voir ainsi absorbés d'office dans un genre qui n'est pas le leur. Comme s'il était évident pour nous, les femmes, d'être assimilées ipso facto à nos compagnons !
Assimilation bancale, d'ailleurs. Car remarquez qu'il a fallu, de fait, écrire une déclaration particulière pour les femmes (et une, tiens, tiens, pour les enfants) car les droits de l'homme sont effectivement encore, trop souvent, les droits des êtres humains de genre masculin. Et si la journée de la femme n'est pas totalement déplacée, c'est parce qu'hélas, les 364 autres jours  restent, pour tant de filles d'Eve, ici et ailleurs, marqués par le mépris, la violence, l'exclusion. Et chez nous, trente ans de combat féministe pour voir encore mourir d'anorexie des gamines persuadées qu'aucun garçon ne les aimera si elles ont quelques rondeurs… Décidément, le découragement est en passe de gagner le match…
Qu'est-ce qu'avons-nous donc, nous les femmes, de si particulier ? Oui, bien sûr, nous portons et mettons au monde les enfants – ce n'est évidemment pas rien. Pour le reste, une femme est un être humain comme un homme ! Capable d'autant de courage et d'intelligence, capable aussi d'autant de lâcheté et de bêtise – ces fléaux sont hélas équitablement répartis entre les deux genres.
On en revient toujours, quoi qu'on fasse, à la même hypothèse : s'il est de bon ton de faire de la place aux femmes, c'est sans doute parce que cette place, beaucoup d'hommes refusent de la leur donner. Refusent de partager ce qu'ils considèrent comme leur privilège. Mais ce serait bien injuste de vous adresser ce soupçon puisque la place et la parole, vous venez de me la donner. Et je compte bien m'y installer !