vendredi 26 août 2016

Roulez, jeunesse !

    

    "Eh bien voilà ! Depuis le début des vacances, j'ai passé en tout et pour tout trois nuits à la maison!", dit en souriant cette jeune fille de 19 ans. Excellente étudiante, elle a en effet enchaîné une série de camps et d'animations en plaines où elle est responsable. Sa sœur de 17 ans suit le même rythme : animations, retour à la maison, le temps de lancer une lessive, refaire les sacs et repartir. Elles font partie de ces centaines de jeunes qui consacrent leurs vacances à offrir à des gosses de 3 à 15 ans de chouettes loisirs et, pour certains, les seules vacances qu'ils auront. Rien que dans les mouvements de jeunesse, près de 100 000 enfants auront ainsi participé à un camp, sans compter les plaines locales. C'est souvent le salut pour ces parents qui n'ont pas de solution pour garder les enfants pendant qu'ils travaillent… Sauf dans le cas des plaines communales, mieux loties, ces jeunes travaillent "pour le fun", comme ils disent. Le défraiement qu'ils reçoivent suffit à peine à payer le souper qu'ils s'offrent le dernier jour… Mais pour eux, ce n'est pas un job de vacances. C'est un service, qu'ils assurent avec compétence et bonne humeur.

    Coup de chapeau, donc, à cette jeunesse qui essuie plus souvent qu'à son tour critiques et préjugés : les jeunes, c'est bien connu, passent leur temps à paresser, à jouer devant leur écran… ou, désormais, à chasser les Pokémons ! C'est oublier combien de familles, dans notre pays, n'ont tout simplement pas les moyens de payer à leurs gosses des stages ni même, parfois, un camp ou une semaine de plaine. Non, tous les jeunes ne sont pas des glandeurs : il faut aussi évoquer ceux qui travaillent, certains pour s'acheter l'objet dont ils rêvent (c'est mieux que de considérer papa/maman comme un guichet de banque), mais d'autres aussi pour financer leurs études ou tout simplement soulager leur famille précarisée. Sans compter ceux qui se portent volontaires pour accompagner des personnes handicapées, ceux qui rendent 1001 services à leur entourage… et ceux qui étudient parce qu'ils entendent bien réussir leur seconde session. Ça mérite bien quelque reconnaissance et encouragement, non ?

    D'autant plus que la jeunesse, c'est l'avenir de la société. Qu'ils y pensent quelquefois ou non, les éminences qui la dirigent finiront par vieillir ; ils seront un jour remplacés par cette génération en train de lever comme le blé. Tous les parents sont conscients de cela et la plupart investissent, massivement (trop parfois !), dans leurs enfants. Ils voudraient qu'ils aient un bel avenir, qu'ils soient heureux, que leur vie soit bonne. Les parents, oui, mais les responsables politiques, économiques ? Dans leurs discours, la jeunesse ne paraît pas être au sommet de leurs priorités… Bien sûr, les priorités doivent être hiérarchisées et les investissements ne sont pas extensibles à l'infini. Mais, toutes choses gardées, que penserait-on d'une famille où l'on investirait en priorité pour l'installation d'une alarme, la pose d'une clôture et l'achat d'un chien de garde, plutôt que de payer le minerval d'une année d'études ?

     Tout se passe comme si l'on vivait désormais au présent : un événement après l'autre, une législature après l'autre. Le terrorisme fait-il irruption ? La seule préoccupation est alors de savoir comment hausser encore le niveau de sécurité et de se demander en boucle comment cela a bien pu se produire. Avec pour premier effet le renforcement du sentiment d'insécurité et son détestable corollaire : la nécessité d'identifier "le mauvais", sans faire dans le détail. Qui se souvient que, pendant ce temps-là, dans des prairies, des locaux précaires, sur des terrains de sport improvisés, des jeunes de toutes nationalités et confessions vivent et jouent ensemble, à des années-lumière des conflits que les adultes entretiennent comme de mauvais feux ? Qui se souvient que c’est justement dans l'enfance et l'adolescence que s'installent les attitudes qui habiteront les adultes de demain ? En tête de tous les investissements devrait figurer la jeunesse. Et pas seulement l'école, mais aussi tout ce corps dynamique, métissé, composé de jeunes anonymes, qui assure bénévolement une fonction indispensable : celle de se préparer à porter le monde de demain. Rien de moins.