lundi 2 janvier 2017

Bonne année, veilleuses et veilleurs !



     C'était il y a un an. A la télé, à la radio, dans les journaux et les supermarchés se bousculaient les vœux pour une belle année 2016. Ce ne pouvait être qu'une année meilleure, après les attentats qui avaient endeuillé la France et fait sortir les soldats des casernes. Et puis quoi, le mois de décembre n'est-il pas à la fois celui de l'hiver et celui qui voit les jours enfin s'allonger ? Comme chaque année, donc, entre bêtisiers et Viva for Life, on se souhaitait bonne année, bonne santé, paix et bonheur. Tout en sachant que la réalité ne serait sans doute pas tout à fait à hauteur de ces vœux, mais qu'importe.

     La voici donc achevée, cette année portée sur les ailes de l'espérance. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle laisse à beaucoup un sale goût dans la bouche. Il ne serait pas de bon ton d'en étaler ici le détail, tant le constat est accablant Tout vaut mieux, en effet, y compris la méthode Coué, que de se dire que Shakespeare avait peut-être raison et que la vie, "c’est une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien.". Qu'aurait écrit le grand Will, s'il avait vécu à notre époque transformée en théâtre où se jouent simultanément tragédies et comédies burlesques, au point que l'on finit par ne plus trop savoir à quel spectacle l'on assiste ? Le roi Ubu va élire domicile à la Maison blanche tandis qu'un ancien membre du KGB, épris de religion, rêve de reconstruire un empire disparu. Ailleurs, pas si loin pourtant, on tue, on bombarde, on torture, on viole ; on fuit, on se noie, on croupit dans des geôles. On se fait exploser et l'on pulvérise.  Le corps des femmes (leurs attributs sexuels ou leur utérus maternel, c'est selon) continue d'être utilisé pour justifier le pouvoir des mâles religions. Service gagnant des intégristes de tous poils : nationalistes, moralistes, scientistes, économistes – tous adeptes d'un ordre, même s'ils divergent sur le contenu. Les étoiles de l'Europe pâlissent, quand elles ne deviennent pas un dangereux trou noir. Et puis, comme en bruit de fond, les petits arrangements entre amis (ou ennemis), les petitesses du pouvoir, ces "hommeries" que l'on préfère appeler ainsi pour ne pas mépriser les animaux. Cette écume des jours, bien sale, qui vous fiche le bourdon quand vous ouvrez le journal. Querelles de bac à sable et gamineries de cour de récré – après tout, que des sportifs se dopent en masse, que des salaires de CEO ou des défraiements de sous-fifres défient l'imagination ou qu'un climato-sceptique devienne ministre de l'environnement aux USA, ça finirait par relever de la galéjade, face au malheur qui n'en finit pas de broyer tant d'humains. 


     Fichue année 2016, oui. Et cependant, comme l'an dernier et les années précédentes, il est bon de s'envoyer des vœux. Parce que l'espoir, le vrai (pas l'espérance naïve, pas l'optimisme béat), il n'est possible que lorsqu'il ne reste rien. C'est lorsque les rêves se sont fracassés et que le chaos semble gagner du terrain qu'il est l'heure – si on le veut, si on le décide – d'avoir foi. De croire, d'abord et contre toute logique, en l'être humain et de mettre en lumière ces hommes et ces femmes, innombrables, anonymes souvent, qui auraient toutes les raisons de s'arrêter, de se coucher, de se taire et qui, là où ils sont, se dressent, marchent, parlent, agissent, se battent, prennent soin. Qui cultivent, contre tous les discours insidieux et creux, des plants de solidarité et de justice, de décentrement et d'inclusion. Qui se reconnaissent entre "vigiles de la vie", quelle que soit la source (transcendante ou non) où ils puisent leurs forces ; qui, avec humilité et obstination, sèment des graines qu'ils ne verront peut-être pas germer de leur vivant. Ces vigiles sont de tous âges, toutes nationalités, toutes convictions, tous milieux, toutes professions. Puissions-nous en être en 2017. Résolument, joyeusement. Belle année à vous, amis lectrices et lecteurs !