lundi 16 janvier 2012

C'est évident !... Vraiment ?


   L'autre jour, chez le boulanger, la conversation tournait autour de la douceur de la température. "La planète se réchauffe, c'est évident !" disait quelqu'un ; et tout le monde d'approuver : l'une avait entendu les moineaux piailler, chez l'autre, les bourgeons étaient déjà bien visibles sur le lilas. Moi, je me souvenais du mois de janvier il y a un an, dans la même boulangerie que l'on atteignait péniblement à cause de la neige. "Un hiver pareil, c'est pas normal, ça c'est sûr!", disait-on alors.

   Ah ! Les évidences… Ces choses qu'on tient pour vraies sans même qu'on doive les prouver… Nos ancêtres étaient sûrs que la terre était plate et c'est bien l'expérience que l'on peut en avoir : on n'a pas l'impression de dégringoler le long d'un ballon lorsqu'on va en Australie ou en Argentine ! Si nous continuons à dire que le soleil se lève et se couche, c'est bien parce que son mouvement nous paraît plus évident que la rotation de la terre.
   Au 19e siècle, les très sérieux traités de médecine tenaient pour évident le fait que les femmes étaient  inaptes à l'étude, en raison de leur nature et de la finesse de leur peau. Quant aux enfants, il était évident que seuls les châtiments corporels pouvaient leur inculquer les bonnes manières… Même les injustices sociales les plus criantes se trouvaient justifiées par l'évidence : un ouvrier ne pouvait espérer s'émanciper ni une servante, rêver de devenir bourgeoise. Quant aux étrangers, c'étaient des "sauvages" – à peine consentait-on à admettre qu'ils puissent avoir une âme…  

   Du coup, qui mettait en cause ces évidences était tenu pour fou, anarchiste ou (dans le meilleur des cas) doux rêveur. Claudel et sa famille n'hésitèrent pas à interner Camille, géniale sculptrice, mais dont le talent et la vie refusaient obstinément le cadre où la femme était censée se tenir – normalement.