jeudi 3 mai 2012

Silence...


   Ce qui est rare est cher. Plus un bien se raréfie, plus sa valeur marchande augmente. C'est bien ce que nous disent les marchés – justifiant, par l même occasion, l'augmentation de nos factures de chauffage. La logique marchande est purement quantitative.
  
   Mais par rapport à la diminution des ressources naturelles, les défenseurs de l'écologie diront la même chose. A une nuance, une grosse nuance près : ce qui est rare est précieux, et doit être préservé. La valeur, dans ce cas, est avant tout qualitative. Tout ce qui participe à la qualité de la vie, tout ce qui peut assurer une vie bonne à tout humain et à tous les humains (sans oublier les animaux et la nature !), cela est précieux. C'est-à-dire que cela a un prix, mais un prix qu'on ne peut pas calculer, qu'on ne peut pas monnayer.  Un air pur, de l'eau potable, un logement agréable, c'est tout à fait essentiel – mais ça n'a vraiment pas de prix.

   A côté du PIB (produit intérieur brut), peut-être pourrait-on prendre en compte les IVB : les indices de vie bonne…

   Parmi ces indices de vie, je placerais un bien devenu si rare qu'on pourrait le croire en voie d'extinction. Un bien si rare que nulle fortune ne saurait l'acheter. Un bien qui, paradoxalement, ne semble pourtant plus guère intéresser grand monde dans nos sociétés dites développées. Je veux parler du – silence. Le vrai silence, celui que l'on peut encore trouver au désert. Ou dans certaines églises. Ou même chez soi, portes et fenêtres fermées.
   
   Le silence : quel repos ! Repos pour le corps, repos pour le cœur...
   
   Le silence provoque paraît-il chez les jeunes, et chez de plus en plus d'adultes,  un malaise, voire de l'angoisse. Normal : on n'y est plus habitués ; c'est le bruit qui est omniprésent. En fond sonore dans les ascenseurs, les parkings, les rues commerciales, au supermarché et dans la salle d'attente du dentiste; en basse continue dans la proximité des autoroutes ; ajoutons-y les bavardages chroniques dans les salles de classe, que la voix du prof tente de couvrir ; et même, même, certains offices où l'écoute de la parole doit se frayer un chemin entre deux cantiques, une pièce d'orgue et quelques témoignages.

   Le silence est comme un berceau, comme une attente. Car c'est en lui seul que peut  naître soudain la musique, un chant d'oiseau, le bruissement d'une feuille ou d'un campagnol, la parole qui fait vivre. C'est en s'immergeant en lui que l'on peut, parfois, percevoir l'écho ténu de ce qui chante ou pleure tout au fond de nous-mêmes.

   Le silence nous déplace, nous recentre ; il aiguise nos sens, nous donne accès à des dimensions que recouvrent les chapes de bruits, les flots de paroles.
Il me semble que si chaque être humain sans exception s'offrait, chaque jour, le trésor inouï de cinq minutes de silence, la vie et le monde s'en trouveraient transformés.

   Et maintenant, je me tais…