samedi 15 octobre 2011

Humour...





Avec le langage, l’art et quelques autres détails tout à fait essentiels, le rire est le propre de l'être humain. Il a même des vertus thérapeutiques  évidentes : il diminue les hormones du stress, améliore le taux de bon cholestérol et est bénéfique pour le cœur parce qu'il favorise la dilatation des artères. Sans oublier ce précieux conseil de Madame de Maintenon : "Souriez, Mesdames, pour que plus tard vos rides soient bien placées"…

Evidemment, ouvrir son journal du matin ne donne pas forcément envie de rire ! L'état de la planète, de l'humanité et de nos négociations communautaires auraient  même plutôt tendance à me faire moudre du grain noir.

Mais c'est là, très exactement, que l'humour, cette politesse du désespoir, vient apporter une bouffée d'air frais, quelque chose comme une odeur de muguet au milieu du crachin. L'humour, c'est le regard décalé, le pied-de-nez adressé au sérieux, la conviction qu'il est possible de ne pas se laisser écraser par la lourdeur de la vie – même si elle est éternelle. Parce que moi, j'ose le dire, il y a des représentations du paradis qui me font peur… Alors, quand Woody Allen déclare : "l’éternité, c'est long. Surtout à la fin…", eh bien ça me fait rire et donc, ça me fait du bien.

Rire et humour ne vont cependant pas nécessairement de pair. Lorsque mon chaton fait la chasse à la souris d'ordinateur, ça me fait rire, mais ce n'est pas de l'humour. Et il ne manque pas, hélas, d'émissions de radio ou de télé qui se placent sous le signe de l'humour mais qui ne font pas rire, tant l'humour y est plat, usé ou (pire) se pratique aux dépens de personnes qui ne peuvent même pas lui répondre.

Parce qu'à la question : "peut-on faire de l’humour à propos de tout ?", je réponds : oui – pour autant, pour autant que l'on ne blesse pas inutilement des personnes singulières. Lorsque Sacha Guitry lance : "Dieu a créé la femme en dernier. On sent la fatigue.", je hausse mes épaules de féministe devant cet exemple de machisme primaire, mais ça me fait sourire, parce que j'aime les mots d'esprit. Guitry ne visait pas telle ou telle femme en particulier, lui qui disait aussi : "je suis contre les femmes. Tout contre"… Et d'ailleurs, si les belles-mères, les blondes et les grosses (entre autres) devaient se mettre à pleurer chaque fois qu'on fait de l'humour à leur sujet, il y a belle lurette que la Wallonie serait noyée.
Un jour un élève m’a demandé :  Est-ce que Jésus riait ? Bonne question ! On aime à souligner que Jésus pleura la mort de Lazare. Quant à savoir s'il riait, les textes sont là-dessus (comme sur bien d'autres choses) parfaitement muets. Mais je me dis, en voyant le nombre de fois où il est invité à un repas,  à des noces, qu'il ne devait pas faire triste figure : vous inviteriez, vous, quelqu'un dont le sérieux et le manque d'humour rendraient les agapes aussi mornes qu'un repas de diète un jour d'automne ?
Lorsque Yahvé annonça à la vieille Sara qu'elle allait avoir un fils dans l'année, elle se mit à rire ! Oui, elle rit de ce qu'elle prenait pour une plaisanterie. Elle rit de l'humour de Dieu. Il semble que le Créateur ne le prit pas mal, puisqu'il lui permit en effet de mettre au monde Isaac, dont le prénom signifie : il rira !
La fine pointe de l'humour, c'est sans doute d'en avoir assez pour rire de soi-même, pour ne pas crier au scandale, au blasphème ou à la discrimination chaque fois que ce qui nous paraît, à nous, important et respectable, se voit détourné, parodié ou même caricaturé. Pourvu que l'intelligence dirige le crayon ou le mot d'esprit – et ça, bien sûr, ce n'est pas forcément assuré. Goûtons quand même la saveur de cette béatitude : Heureux celui qui rit de lui-même. Il n'a pas fini de s'amuser".