C'était
il y a un an. A la télé, à la radio, dans les journaux et les supermarchés se
bousculaient les vœux pour une belle année 2016. Ce ne pouvait être qu'une
année meilleure, après les attentats qui avaient endeuillé la France et fait
sortir les soldats des casernes. Et puis quoi, le mois de décembre n'est-il pas
à la fois celui de l'hiver et celui qui voit les jours enfin s'allonger ? Comme
chaque année, donc, entre bêtisiers et Viva for Life, on se souhaitait bonne
année, bonne santé, paix et bonheur. Tout en sachant que la réalité ne serait
sans doute pas tout à fait à hauteur de ces vœux, mais qu'importe.
La
voici donc achevée, cette année portée sur les ailes de l'espérance. Et le
moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle laisse à beaucoup un sale goût dans la
bouche. Il ne serait pas de bon ton d'en étaler ici le détail, tant le constat
est accablant Tout vaut mieux, en effet, y compris la méthode Coué, que de se
dire que Shakespeare avait peut-être raison et que la vie, "c’est une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de
fureur, et qui ne signifie rien.". Qu'aurait écrit le grand Will, s'il
avait vécu à notre époque transformée en théâtre où se jouent simultanément
tragédies et comédies burlesques, au point que l'on finit par ne plus trop
savoir à quel spectacle l'on assiste ? Le roi Ubu va élire domicile à la Maison
blanche tandis qu'un ancien membre du KGB, épris de religion, rêve de
reconstruire un empire disparu. Ailleurs, pas si loin pourtant, on tue, on
bombarde, on torture, on viole ; on fuit, on se noie, on croupit dans des
geôles. On se fait exploser et l'on pulvérise. Le corps des femmes (leurs attributs sexuels
ou leur utérus maternel, c'est selon) continue d'être utilisé pour justifier le
pouvoir des mâles religions. Service gagnant des intégristes de tous poils :
nationalistes, moralistes, scientistes, économistes – tous adeptes d'un ordre,
même s'ils divergent sur le contenu. Les étoiles de l'Europe pâlissent, quand
elles ne deviennent pas un dangereux trou noir. Et puis, comme en bruit de
fond, les petits arrangements entre amis (ou ennemis), les petitesses du
pouvoir, ces "hommeries" que l'on préfère appeler ainsi pour ne pas
mépriser les animaux. Cette écume des jours, bien sale, qui vous fiche le
bourdon quand vous ouvrez le journal. Querelles de bac à sable et gamineries de
cour de récré – après tout, que des sportifs se dopent en masse, que des
salaires de CEO ou des défraiements de sous-fifres défient l'imagination ou
qu'un climato-sceptique devienne ministre de l'environnement aux USA, ça finirait
par relever de la galéjade, face au malheur qui n'en finit pas de broyer tant
d'humains.
Fichue
année 2016, oui. Et cependant, comme l'an dernier et les années précédentes, il
est bon de s'envoyer des vœux. Parce que l'espoir, le vrai (pas l'espérance naïve,
pas l'optimisme béat), il n'est possible que lorsqu'il ne reste rien. C'est
lorsque les rêves se sont fracassés et que le chaos semble gagner du terrain
qu'il est l'heure – si on le veut, si on le décide – d'avoir foi. De croire,
d'abord et contre toute logique, en l'être humain et de mettre en lumière ces
hommes et ces femmes, innombrables, anonymes souvent, qui auraient toutes les
raisons de s'arrêter, de se coucher, de se taire et qui, là où ils sont, se
dressent, marchent, parlent, agissent, se battent, prennent soin. Qui
cultivent, contre tous les discours insidieux et creux, des plants de
solidarité et de justice, de décentrement et d'inclusion. Qui se reconnaissent
entre "vigiles de la vie", quelle que soit la source (transcendante
ou non) où ils puisent leurs forces ; qui, avec humilité et obstination, sèment
des graines qu'ils ne verront peut-être pas germer de leur vivant. Ces vigiles
sont de tous âges, toutes nationalités, toutes convictions, tous milieux,
toutes professions. Puissions-nous en être en 2017. Résolument, joyeusement.
Belle année à vous, amis lectrices et lecteurs !