Finies, les vacances. Rangés, les seaux, pelles, crème
solaire et maillots de bain. Ouf ! Finies aussi (du moins peut-on l'espérer)
les querelles de bac à sable autour du format desdits maillots : une femme
peut-elle ou non se couvrir entièrement le corps avant d'aller faire trempette
? Heureusement que le ridicule ne tue pas, car certaines vies eussent été
dramatiquement écourtées... C'est qu'il y avait de quoi être éberlué-e : les
plus de 50 ans n'ont pas oublié les commentaires acerbes qui accompagnaient
celle qui osait arborer un bikini ; puis
ce fut au tour de celle qui "enlevait le haut" de subir les mâles œillades
égrillardes, tandis que les prudes épouses n'avaient pas assez de fiel pour décrire
les imperfections réelles ou supposées de ces seins qu'il fallait décidément
cacher. Puis vint le string, avec ou sans soutien-gorge : haro sur les femmes
qui osaient arborer un postérieur de volume et fermeté variables ! Et je n'oublie
pas davantage, même si c'est plus ancien, mon ébahissement d'adolescente lorsque
je vis à la mer du Nord deux religieuses, dûment habillées et voilées, courir
dans les vagues avec un plaisir évident...
Il faudra donc le rappeler, encore et toujours : le
féminisme, c'est défendre la dignité et le droit des femmes. Y compris le droit
de s'habiller comme elles l'entendent - le bon goût et la mode dussent-ils en souffrir.
C'est aussi bien sûr le droit à l'autonomie, c'est-à-dire la possibilité
de se donner ses propres normes, fussent-elles étranges, pour autant bien sûr
qu'elles ne contreviennent pas gravement aux droits fondamentaux. On pourra
donc s'étonner, me semble-t-il, que le burkini (créé par une femme pour
d'autres femmes) suscite chez certains (et certaines !) une indignation d'autant
plus étrange qu'elle semble à géométrie variable. Il est en effet insupportable
que des hommes imposent à des femmes un mode de vie qu'elles refusent, qu'ils
prennent pouvoir sur leurs corps. Mais alors, comment peut-on tolérer que dans
nos pays qui se vantent de les respecter, les femmes soient en continu réduites
en quelque sorte à l'état d'objet manipulable ? Où est la dignité de la femme,
si jeune parfois, que l'on contraint à tourner des films porno, à se prostituer
après lui avoir fait miroiter un travail normal ? Comment peut-on s'accommoder
des promotions-canapé, ce résidu du vieux droit de cuissage ? Comment peut-on
ne pas s'indigner de toutes ses forces face aux écarts salariaux qui continuent,
encore et toujours, de pénaliser les travailleuses ? Et même si cela peut
paraître moins grave, l'imposition implicite qui est faite aux femmes d'être
toujours minces et belles sous peine de ne plus plaire, n'est-ce pas une forme
de pouvoir d'autant plus redoutable qu'elles-mêmes finissent par intégrer la
norme ? La femme qui se retrouve seule à 43 ans avec ses gosses parce que son
homme en a trouvé une plus jeune, plus fraîche, qui osera dire qu'elle dispose
entièrement d'elle-même ? Ne parlons même pas des "mini-miss"de 6 ou
7 ans...
On pourrait continuer à aligner les exemples. La femme,
objet de rêve pour l'homme, que l'on exhibe pour vendre une voiture ou une
lotion après-rasage, cela demeure une réalité et il ne faut pas se revendiquer
féministe pour s'en rendre compte. Bien sûr et heureusement, de nombreuses
associations se battent au quotidien pour défendre ces droits quotidiennement
bafoués, à côté desquels la question du burkini me paraît tout simplement
grotesque. Alors, je me dis que peut-être, grâce à nos sœurs musulmanes, va-t-on
enfin entendre des hommes et des femmes politiques s'élever avec force, colère,
inquiétude, contre ces atteintes au droit de la moitié de l'humanité. Peut-être
même - qui sait ? - vont-ils saisir le parlement dans l'urgence pour faire
cesser une fois pour toutes ces insupportables atteintes à l'intégrité féminine
? Après tant de déclarations enflammées autour d'un costume de bain au succès
d'ailleurs fort modeste, peut-être allons-nous enfin, nous les femmes, avoir le
droit d'être comme nous sommes : toutes égales, toutes différentes. Allez, c'est
l'automne, mais on peut continuer à rêver...