Est-ce le temps
exceptionnellement doux et ensoleillé ? Les traces encore vives de tous les
événements sombres et douloureux qui ont blessé 2015 ? Ce qu'on appelle – plus
par habitude que par conviction, sans doute – la "magie de Noël"
s'est faite, me semble-t-il, un peu plus grave cette année. Joyeuse, certes,
mais avec une certaine retenue, comme s'il devenait décidément impossible de
faire "comme si". Comme si nous étions éternels. Comme si la planète
ressemblait au jardin d'Eden. Comme s'il suffisait d'envoyer des vœux pour
qu'ils se réalisent. Oui, cette année, la magie a fait davantage place à
l'esprit – et c'est une belle chose.
La messe de Noël télévisée a été retransmise
depuis une prison, sans apparat ni sans grandes orgues. Des mots simples, fraternels,
le gospel extraordinaire de Dyna B, une assemblée où prisonniers, visiteurs et
gardiens, côte à côte, célébraient la dignité de toute personne : face à cette
leçon d'humanité, que valent, dites-moi, les rodomontades sécuritaires ? En ce
jour de Noël, c'est en ce lieu de mépris
et d'abandon, véritable honte pour notre démocratie, que l'on pouvait approcher
ce que les croyants appellent le salut : cette affirmation inouïe qu'il est bon
que chaque être humain existe, quel qu'il soit et quel que soit son chemin de
vie. Avoir fait le choix de ce lieu proche et ignoré pour une retransmission
d'ampleur, cela est courageux, cela est beau.
Autre image : celle du roi
s'adressant à la jeunesse, à toute la jeunesse, multiculturelle,
multiconfessionnelle. "Vous qui avez
un désir profond de croire dans la vie, de croire en vous-même et de croire en
l’autre, cultivez cet idéal et investissez votre énergie et vos talents dans
tout ce qui rassemble." Qu'est-ce qu'il fait du bien, cet acte de foi
en la générosité et la créativité des jeunes ! Car enfin, au quotidien, ils
peuvent avoir l'impression que leur voix compte pour du beurre, que face aux
innombrables défis qui se profilent, ils sont quantité négligeable – alors même
que c'est eux qui, dans quelques années et pour l'avenir, seront en charge de
relever ces défis, dans un monde dont absolument personne (sauf quelques
"experts" autoproclamés) ne peut imaginer ce qu'il sera. Faire le
choix d'espérer en la jeunesse, cela aussi est courageux et beau.
Il fallait bien cela pour panser quelque peu une colère qui m'habite,
que nous sommes sans doute nombreux à héberger. Celle que font se lever tous
les égoïsmes, tous les dénis aux droits humains et à la justice qui ont émaillé
cette année finissante. Passé le temps des émotions, des défilés consensuels et
des grands-messes pour la planète, comment ne pas rentrer dans son cocon, en
rester aux belles paroles et aux vœux qui ne coûtent rien ? Parce que si les
investissements (nous le rappelle-t-on assez !) sont nécessaires, encore
faut-il savoir... en quoi et en qui l'on investit ! C'est, ici encore, une
question de choix. Ainsi, miser sur la jeunesse, cela a du sens. Mais au moment
où neuf milliards d'euros seront libérés pour acheter avions, frégates et
autres drones, tel mouvement de jeunesse, qui avait sollicité un subside de...
30 000 € afin de développer des projets à Bruxelles en milieu fragilisé,
s'entend répondre que "ce n'est pas possible, parce qu'il n'y a pas
d'argent". Cherchez l'erreur... On peut certes saluer la générosité – et
elle est grande ! – des citoyens qui accueillent, soignent, défendent les
réfugiés ; qui récoltent des dons pour les 25 % d'enfants qui, dans notre pays,
vivent dans la grande pauvreté ; qui visitent les prisonniers et font vivre la
culture. Dans le même temps, les CPAS, le personnel des prisons, les
enseignants, les artistes n'en peuvent plus de gérer l'impossible austérité.
Cherchez l'erreur... Et au moment où l'on se congratule de l'accord finalisé à
la COP21, le prix du diesel passe sous la barre d'un euro. Cherchez l'erreur...
Alors, si je n'avais qu'un vœu,
un seul, à formuler, ce serait celui-ci : que soient, partout et toujours,
privilégiés les choix qui sont misent sur l'avenir, qui misent sur ce qui
permet à tout humain et à tous les humains de vivre une vie digne et juste, une vie sauve. C'est le pari de
l'espérance. Il est, si nous le voulons, à notre portée, chacune, chacun et
tous ensemble. Belle année à vous, amies et amis lectrices et lecteurs !
Myriam Tonus