Ce qui est rare est
cher. Plus un bien se raréfie, plus sa valeur marchande augmente. C'est bien ce
que nous disent les marchés – justifiant, par l même occasion, l'augmentation
de nos factures de chauffage. La
logique marchande est purement quantitative.
Mais par rapport à
la diminution des ressources naturelles, les défenseurs de l'écologie diront la
même chose. A une nuance, une grosse nuance près : ce qui est rare est
précieux, et doit être préservé. La valeur, dans ce cas, est avant tout qualitative.
Tout ce qui participe à la qualité de la vie, tout ce qui peut assurer une vie
bonne à tout humain et à tous les humains (sans oublier les animaux et la
nature !), cela est précieux. C'est-à-dire que cela a un prix, mais un prix
qu'on ne peut pas calculer, qu'on ne peut pas monnayer. Un air pur, de l'eau potable, un logement
agréable, c'est tout à fait essentiel – mais ça n'a vraiment pas de prix.
A côté du PIB
(produit intérieur brut), peut-être pourrait-on prendre en compte les IVB : les
indices de vie bonne…
Parmi ces indices
de vie, je placerais un bien devenu si rare qu'on pourrait le croire en
voie d'extinction. Un bien si rare que nulle fortune ne saurait l'acheter. Un
bien qui, paradoxalement, ne semble pourtant plus guère intéresser grand monde
dans nos sociétés dites développées. Je veux parler du – silence. Le vrai
silence, celui que l'on peut encore trouver au désert. Ou dans certaines
églises. Ou même chez soi, portes et fenêtres fermées.
Le silence : quel
repos ! Repos pour le corps, repos pour le cœur...
Le silence provoque
paraît-il chez les jeunes, et chez de plus en plus d'adultes, un malaise, voire de l'angoisse. Normal : on
n'y est plus habitués ; c'est le bruit qui est omniprésent. En fond sonore dans
les ascenseurs, les parkings, les rues commerciales, au supermarché et dans la
salle d'attente du dentiste; en basse continue dans la proximité des autoroutes
; ajoutons-y les bavardages chroniques dans les salles de classe, que la voix
du prof tente de couvrir ; et même, même, certains offices où l'écoute de la
parole doit se frayer un chemin entre deux cantiques, une pièce d'orgue et
quelques témoignages.
Le silence est
comme un berceau, comme une attente. Car c'est en lui seul que peut naître soudain la musique, un chant d'oiseau,
le bruissement d'une feuille ou d'un campagnol, la parole qui fait vivre. C'est
en s'immergeant en lui que l'on peut, parfois, percevoir
l'écho ténu de ce qui chante ou pleure tout au fond de nous-mêmes.
Le silence nous
déplace, nous recentre ; il aiguise nos sens, nous donne accès à des dimensions
que recouvrent les chapes de bruits, les flots de paroles.
Il me semble que si
chaque être humain sans exception s'offrait, chaque jour, le trésor inouï de
cinq minutes de silence, la vie et le monde s'en trouveraient transformés.
Et maintenant, je
me tais…