Il faudrait être de
mauvaise composition – ou de mauvaise foi – pour s'en plaindre lorsqu'on
appartient à ce genre : l'attention portée aux femmes semble désormais de mise.
Ceci dit et sans suspecter le moins du monde l'authenticité de cet engouement,
on se rappellera quand même qu'il s'inscrit dans une histoire déjà longue,
écrite par des générations de femmes qui jamais ne se sont résignées à n'être
que le "sexe faible", "produit d'un os surnuméraire", comme
le qualifiait (in)élégamment Bossuet. Si les jeunes femmes peuvent aujourd'hui
défiler en arborant la photo d'un clitoris, c'est parce que dès le début du 19e
siècle, des "suffragettes" défilèrent pour réclamer le droit de vote.
C'est parce que leurs grands-mères soixante-huitardes ont forcé les portes
closes du langage qui interdisait que l'on nomme ces "parties
honteuses", carrément ignorées d'ailleurs par nombre d'entre elles. Mais
ne boudons pas notre plaisir : chaque pas fait vers une plus grande
reconnaissance de l'égalité entre femmes et hommes est un progrès.
Pour autant faut-il,
comme c'est trop souvent le cas de nos jours, penser dans l'excès, lequel finit
fréquemment par verser dans l'insignifiance ? L'autre matin, lors d'une séquence
radio consacrée au nombre très faible de femmes engagées dans le corps des
pompiers, un homme parmi les intervenants lâcha ce cri du cœur : "Oui,
j'aimerais vraiment pouvoir bénéficier de la plus-value qu'apporterait une
femme pompier !"Allons bon… J'avoue ne pas percevoir clairement en quoi le
fait d'être sauvé des flammes par une femme changerait quoi que ce soit.
Serait-ce le fantasme de sortir du brasier porté par des bras féminins (cas au
demeurant peu probable, puisque les femmes ont une force physique généralement
un peu moindre que celle des hommes) ?
Passons aussi sur
l'argumentaire du pape François qui, comme, ses prédécesseurs, essentialise la
nature féminine pour lui refuser l'accès au ministère presbytéral : "Cette
vision […] conduirait à cléricaliser les femmes, diminuerait la grande valeur
de ce qu'elles ont déjà donné et provoquerait un subtil appauvrissement de leur
apport indispensable." Trop belles pour ça, si l'on comprend bien… Louer
le "génie féminin" (autre expression très prisé des documents romains
depuis Jean-Paul II), si l'on y pense, ce n'est pas très fraternel envers tous
ces prêtres qui échappent au cléricalisme !
N'en jetez plus !
Considérer l'homme comme
supérieur à la femme est inacceptable. Mais placer la femme sur un piédestal
est une promotion qui peut se faire piège redoutable : celui de ne jamais lui
permettre d'être simplement "côte à côte" – c'est d'ailleurs en ce
sens, cher Jacques-Bénigne Bossuet, qu'il convient d'entendre le récit de la
création d'Eve… Et personnellement, je serais ravie de voir s'accroître le
nombre d'hommes instituteurs maternels, puériculteurs, gardiens d'enfants ou
hommes de ménage. La mixité, dans ces fonctions comme dans toutes les autres,
serait pour le coup une vraie plus-value ! Parce que c'est bien la mixité, la
différence, le métissage qui enrichissent une activité, et non une supposée
nature féminine ou masculine.
L'égalité véritable entre
hommes et femmes sera proche le jour où, dans toutes les fonctions et à
compétences égales, on ne se préoccupera pas davantage de savoir si le/la
candidat·e est homme ou femme que si il/elle a les cheveux bouclés ou lisses.
Ce n'est pas encore gagné…
(Chronique parue dans La Libre Belgique du 26/02/2020)