"Vous pouvez lui sauver la
vie !"… "Donnez-lui la chance de connaître sa maman !"…
"Sans votre aide, il restera analphabète… Une fois par semaine, au moins,
un courrier m'est adressé personnellement – même si nous devons être des
milliers à le recevoir. Le plus souvent, l'entête est celle d'une association
honorablement connue. Parrainée parfois une VIP, vedette ou ancien ministre. Le
poids des mots, le choc des photos : slogan jamais usé. Les récits dramatiques
– famine, guerre, exploitation, maladie… - ramènent d'un coup toute la misère
d'ici et d'ailleurs ; une misère même pas anonyme puisqu'elle a un prénom, un
visage : celui d'un enfant, d'une femme, d'un vieillard qui risquent d'être
engloutis par le malheur si je n'ouvre pas mon portefeuille.
Comment
s'accommoder de cela ? De cela et du reste que les médias excellent à
orchestrer : Hiver 2012, Télévie, restos du cœur, opérations de solidarité en
tous genres ? Qui a dit que l'homme était un loup pour l'homme ? Il suffit de
voir combien les citoyens répondent "présents" en masse lorsqu'on
fait appel à leur générosité. On a beau vivre dans une société férocement
individualiste, on n'a quand même pas des cœurs bétonnés ! Il est vrai que la
mobilisation est l'un des plus sûrs moyens de clouer son bec à la
culpabilisation, cette épine qui ne manque pas de vous piquer lorsque vous jetez la lettre d'appel de dons
ou feignez d'ignorer les vendeurs d'autocollants à la sortie du supermarché… Un
petit geste et hop !, on se sent tout de suite plus léger, plus fraternel,
meilleur, quoi.
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